Les chevaux sont des animaux grégaires qui, à l’état naturel, vivent en groupes sociaux. Les deux principales structures sociales sont :
- Groupes familiaux (appelés famille ou harem) d’une douzaine d’individus :
- 1 étalon
- 3 à 4 juments
- Poulains et pouliches de la naissance à environ deux ans
- Il s’agit d’un groupe très stable avec une hiérarchie bien définie
- Groupes de mâles célibataires (4 à 6 individus) :
- Jeunes mâles entiers qui n’ont pas encore cherché à créer une famille
- Vieux mâles qui ont perdu leur famille
- Dans ces groupes, les mâles développent les compétences sociales nécessaires au rôle de l’étalon reproducteur au sein d'une famille
- Il s’agit d’un groupe instable où la hiérarchie va varier en fonction de l’arrivée et du départ de nouveaux entiers
En conditions naturelles, les chevaux sont très rarement observés seuls et cela est souvent transitoire comme lors de jeunes qui changent de groupes sociaux, soit pour des animaux malades ou blessés.
Pourtant, à l’état domestique, la plupart des étalons reproducteurs et des entiers sont logés individuellement. La raison principale avancée par les propriétaires est la peur du conflit avec d’autres chevaux dû au comportement agressif des étalons, et donc le risque de blessures. Or, les mâles qui sont conservés entiers sont la plupart du temps destinés à la reproduction et ont donc une valeur financière non négligeable pour leur propriétaire. A l’élevage, les jeunes mâles sont également isolés socialement très tôt dans leur vie, parfois, dès le sevrage, pour ces mêmes raisons.
Mais alors quelles sont les conséquences de cet isolement social ?
Comme ces futurs étalons sont souvent isolés dès leur plus jeune âge, parfois, dès le sevrage, ils n’ont pas la possibilité de développer leurs compétences sociales. Une étude française menée par Mathilde Valenchon et Odile Petit, a d’ailleurs montré que les compétences sociales des chevaux se développeraient jusqu’à l'âge de six ans. Il est donc important de laisser les jeunes chevaux vivre en groupes sociaux, de préférence mixtes, le plus longtemps possible.
Dans ce récent article scientifique, les auteurs, Rodrigo Arruda de Oliveira et Christine Aurich, montrent que les conditions de vie restrictives des étalons sont souvent contre-productives et seraient à l’origine de ces comportements non appropriés tant redoutés : un état surexcité et anxieux, des comportements agressifs envers l’humain et les autres chevaux, des stéréotypies ou même de l’automutilation. Il est bien évident que ces comportements peuvent entraîner des blessures, non seulement pour l’étalon lui-même, mais également pour les autres chevaux et les humains qui s’en occupent.
Dans cet article, les auteurs recommandent de créer des situations où les chevaux peuvent avoir des relations sociales avec d’autres chevaux :
- Réagencer la place des animaux dans les écuries en fonction du statut des chevaux (étalon actif sexuellement, jeunes étalons, hongres, jument) : cela est particulièrement valable pendant la période de reproduction
- Mettre en place des boxes sociaux qui permettent des contacts sociaux visuels, auditifs, olfactifs et même tactiles (exemple de paroi sociale : Modubox, photo ci-dessous)
- Héberger les mâles en groupes sociaux stables dans un paddock/pré adapté
Un exemple concret de socialisation d'étalons
Depuis 2008, le Haras National Suisse a mis en place une resocialisation de ses étalons reproducteurs. A la fin de la saison de reproduction, les étalons se retrouvent ensemble au pâturage pendant 6 mois. L'équipe de l'Agroscope (Haras National Suisse) a suivi un protocole précis pour mettre en groupe ces étalons en toute sécurité :
- Constitution de paires : avant la mise en place du protocole, les étalons vivaient dans des boxes mitoyens avec des grilles, ce qui a permis de constituer des paires en fonction des affinités.
- Mise en box mitoyens pendant 2 semaines avec des parois sociales permettant les contacts tactiles
- Mise au pré pendant 6 mois (hors période de reproduction) avec des clôtures hautes et sans juments à proximité
Pour que tout se passe dans de bonnes conditions, il est recommandé d'adapter les infrastructures (taille et forme de l'herbage), de déferrer les chevaux et de maintenir une surveillance appropriée.
En 2008, ce protocole a été réalisé avec 4 étalons, deux demi-sang et deux Franches-Montagnes. L’expérience s’est tellement bien passée que maintenant, une douzaine d’étalons sont mis au pré en groupe tous les ans.
Comme vous pouvez le constater dans cette vidéo, les interactions négatives diminuent rapidement les 4 premiers jours, pour laisser place à des interactions positives. Des liens d’affinité se créent au fur et à mesure du temps. Certains étalons passent plus de temps les uns à côté des autres et se toilettent mutuellement.
Que faut-il retenir ?
Les interactions sociales font parties intégrantes de la vie de nos chevaux et sont un pilier de leur bien-être. Les différents exemples d’aménagement d’infrastructures et de changements de pratiques évoqués dans cet article montrent que l’accès à des contacts sociaux réguliers est possible pour nos chevaux domestiques, et même pour les jeunes mâles, les entiers et les étalons reproducteurs.
Toutefois, les changements de ces conditions de vie doivent se faire de manière progressive et doivent s’anticiper, notamment pour l’aménagement des écuries/paddock et le protocole d’intégration. Il est donc fortement conseillé de se faire encadrer par des experts du comportement équin dans cette démarche. Notre équipe saura vous informer, étudier avec vous la meilleure solution et vous accompagner dans le protocole de resocialisation.