Revenir au site

Le sevrage du poulain

 

· Blog

Le sevrage est le processus pendant lequel une mère cesse d'allaiter son petit et implique le passage d’une alimentation majoritairement lactée à la consommation d’aliments solides. Toutefois, cette pratique ne met pas uniquement en jeu l’aspect alimentaire mais a des conséquences également sur le comportement ou l'éducation du poulain.

 

A l’état naturel

En conditions naturelles, la jument vit au sein d’un groupe social appelé famille qui comprend un étalon, trois à quatre juments reproductrices et leur progéniture. La jument sèvre son poulain de façon très progressive quelques mois avant de mettre bas du poulain suivant. Cela lui permet d’allouer ses ressources au poulain à naître et lui donner toutes les chances de se développer correctement. Même si le jeune poulain est sevré, il va rester proche de sa mère pendant plusieurs années jusqu’à sa dispersion dans d’autres groupes sociaux vers l’âge de trois ans. Dès la naissance, la mère éduque son poulain aux codes sociaux nécessaires à son intégration et son équilibre au sein du groupe. Il apprend ainsi à réagir et à exprimer des comportements affiliatifs (qui expriment un lien positif), mais aussi des comportements de menace. Le poulain va aussi apprendre auprès de sa mère le comportement alimentaire de l’espèce et les meilleures réactions face au danger. Il crée des affinités avec les individus les plus proches de sa mère, en commençant par ses frères et sœurs plus âgés, mais également des interactions sociales avec les autres membres de la famille, y compris l’étalon.

broken image

Pour le poulain, sa mère est donc un repère fiable lors des deux à trois premières années de sa vie. A un mois, le poulain passe 90% de son temps à moins de cinq mètres de sa mère alors qu’à neuf mois, il n’en passe plus que 20%. Le poulain va téter quatre à sept fois par heure dans son premier mois puis diminuer sa consommation progressivement en passant à une tétée toutes les deux heures à l’âge de huit mois. Cette diminution progressive est corrélée à la diminution de la qualité du lait de la jument qui sera à l’origine de l’interruption des tétées. Le moment de l’arrêt des tétées est très variable en fonction des poulains, mais aussi de la mère, de son statut dans le groupe et du nombre de poulains des années précédentes. Dans de rares cas, certaines mères laissent téter leur poulain de deux ou trois ans malgré la présence de poulains plus jeunes. Cette variabilité est le résultat de nombreux facteurs, qui ne sont pas tous identifiés.

Le système digestif du poulain se met en place progressivement, et au cours de ses deux premiers mois, il va acquérir le microbiote intestinal nécessaire à la digestion de la cellulose. Pour cela, il pourra ingérer le crottin de sa mère (donc le microbiote intestinal de sa mère) et commencer à consommer de la nourriture solide par imitation du comportement alimentaire de sa mère (herbe, écorces, feuilles d’arbre…). Entre un et quatre mois, le poulain passera 7 à 25% de son temps à consommer des aliments solides contre 40 à 60% à 10 mois (cheval adulte : 15 à 16 heures par jour, soit 60 à 65%).

 

L’impact des conditions de vie domestiques

Les conditions de vie domestiques et l’utilisation des chevaux par les humains à des fins sportives, de loisir ou de travail, ont fait évoluer l’âge et les modalités du sevrage. La principale raison avancée est la préservation de l’énergie et de la santé des juments en prévision du prochain poulinage mais également l’organisation de la structure avec la gestion des lots par classes d’âge (et de sexe) dans un objectif de vente ou d’éducation. Le sevrage artificiel a donc lieu, dans la plupart des structures, entre quatre et sept mois, avec un âge habituel de six mois révolus. Cette méthode permet de simplifier l’organisation des structures et la valorisation des jeunes chevaux, mais cela entraîne des effets sur le comportement, l’immunité et la physiologie du jeune et donc, des conséquences incertaines sur son développement vers un cheval adulte en bonne santé.

broken image

Le sevrage artificiel peut avoir des conséquences négatives, non seulement pour le poulain mais également pour la jument. Selon certains auteurs, un sevrage précoce et non progressif pourrait avoir pour conséquence une baisse de fertilité future pour la jument et des retards de croissance des futurs poulains. De nombreux changements interviennent dans la vie du poulain lors de son sevrage, notamment au niveau de son alimentation, de son hébergement ou des interactions sociales. Une des méthodes traditionnelles consiste à isoler le poulain sevré dans un box avec une alimentation solide, ce qui créé un bouleversement soudain de son mode de vie. Il a été mis en évidence dans une étude l’apparition de comportements anormaux suite à ce type de sevrage : 10% de poulains présentaient des stéréotypies orales (tic à l’appui, tic à l’air) un mois après ce sevrage et 30% présentaient des comportements de lignophagie (grignotage de bois) trois mois après. Ce type de sevrage artificiel affecte l’expression de ses comportements naturels du poulain et impacte son niveau de bien-être.

Voici les principales méthodes de sevrage. Certaines peuvent être combinées :

 

broken image

Quelques conseils

Il n’y a pas de méthode de sevrage idéale. Celle-ci va dépendre de vos infrastructures (taille et agencement des bâtiments, qualité des prairies…), du nombre de poulains que vous souhaitez sevrer, de l’âge auquel vous allez valoriser vos poulains, de la carrière sportive/de reproduction de la jument, de la personnalité des poulains… Toutefois, il y a quelques grands principes qu’il serait souhaitable de mettre en place pour le bien-être des juments et des poulains :

• Attendre le plus longtemps possible avant de sevrer votre poulain. Les meilleurs indicateurs viennent du poulain et de la mère. Si le poulain devient de plus en plus indépendant et tète de moins en moins sa mère ou si la mère manifeste de plus en plus de comportements de rejet lorsque le poulain essaie de téter, le sevrage progressif a déjà débuté.

• Quel que soit le mode de sevrage, il est important de faire attention aux affinités entre poulains et de prévoir de larges espaces de sevrage (grands paddocks, grandes stabulations) pour limiter les conflits et les risques de blessure.

• Dans tous les cas, il est recommandé de respecter les besoins physiologiques et comportementaux des poulains, à savoir : du fourrage à volonté (herbe, foin), des contacts sociaux positifs (lots par affinités), un accès à une pâture ou un paddock avec un déplacement quotidien en liberté.

• Adapter l’alimentation en amont du sevrage en mettant à disposition des poulains des fourrages à volonté mais également en proposant les aliments concentrés qu’il aura à disposition une fois sevré en privilégiant un apport en matières grasses, en minéraux et en oligo-éléments (Phosphore, cuivre, fer, zinc). Ces apports permettront de limiter le stress post-sevrage.

• Le sevrage est également une bonne période pour initier ou continuer les manipulations courantes (ex : mise en place du licol, marche en main, brossage, prise des pieds…). Le poulain retiendra mieux ses informations à cette période que dans ses premiers mois de vie où il faut privilégier le lien avec sa mère.

 

BIBLIOGRAPHIE :

Hélène ROCHE, Anne-Claire GRISON, Marianne VIDAMENT, Léa LANSADE, Claire NEVEUX, Christine BRIANT. Organisation sociale des chevaux. 2019.Equipédia.

S. Henry, H. Sigurjónsdóttir2, A. Klapper1, J. Joubert1, G. Montier1, M. Hausberger. Le sevrage spontané du poulain : facteurs de variation et impact sur le lien jument-poulain. Mars 2018.44ème Journée de la Recherche Équine.

Catherine TRILLAUD-GEYL & Pauline DOLIGEZ . L'alimentation du poulain au sevrage. 2014.Equipédia.

Léa LANSADE, Marianne VIDAMENT, Laetitia LE MASNE. Le sevrage du poulain, comment faire. 2020. Equipédia.

Léa Lansade a, Frédéric Lévy a, Céline Parias a , Fabrice Reigner b, Aleksandra Górecka-Bruzda c. Weaned horses, especially females, still prefer their dam after five months of separation. 2022. Animal The international journal of animal biosciences.